Droit à la prise : deux solutions
Faire valoir son droit à la prise (droit d’installer une borne de recharge pour véhicule électrique) en tant que copropriétaire ou locataire d’un logement en copropriété est un droit encadré par la loi. Voici les étapes de la procédure.
Deux cas de figures peuvent se présenter à vous :
- Le droit à la prise, individuel,
- Le droit à la prise, collectif
Le droit à la prise, individuel
⚖️ 1. Comprendre le « droit à la prise »
Le droit à la prise permet à tout copropriétaire ou locataire d’un logement situé dans un immeuble collectif (avec parking) de faire installer, à ses frais, une borne de recharge pour véhicule électrique, sans devoir obtenir l’accord préalable de la copropriété.
Mais attention : il y a une procédure à suivre pour faire valoir ce droit.
📝 2. Préparer un dossier technique
Vous devez constituer un dossier technique à envoyer au syndic de copropriété ou au propriétaire bailleur (si vous êtes locataire). Ce dossier doit contenir :
- Une description des travaux (nature, emplacement, accès au compteur…)
- Un schéma d’installation
- Une note technique du prestataire (installateur IRVE – Infrastructure de Recharge pour Véhicules Électriques)
- Une attestation d’assurance décennale de l’installateur
- Un devis ou contrat prévisionnel
- La preuve que le système sera individuel (pas connecté aux parties communes sauf accord) et aux frais exclusifs du demandeur
📬 3. Notifier le syndic ou le propriétaire
Vous devez envoyer ce dossier par lettre recommandée avec accusé de réception au :
- Syndic de copropriété, si vous êtes copropriétaire
- Propriétaire bailleur, si vous êtes locataire
Il s’agit d’une notification, et non d’une demande d’autorisation. Mais la copropriété peut s’opposer au projet uniquement pour motifs sérieux et légitimes, dans un délai de 6 mois.
⏳ 4. Délai d’opposition
Une fois le dossier envoyé :
- La copropriété a 6 mois pour s’opposer aux travaux (par décision en AG ou procédure judiciaire).
- Passé ce délai sans opposition formelle, vous pouvez faire réaliser l’installation.
⚠️ Opposition possible uniquement si :
- Il existe déjà un projet collectif en cours (par exemple, un projet de borne mutualisée)
- Il y a un motif sérieux (risques techniques, atteinte aux parties communes, sécurité…)
🔌 5. Réalisation des travaux
Si aucune opposition sérieuse n’est faite dans les 6 mois :
- Vous pouvez faire installer la borne, à vos frais
- L’installation doit respecter le dossier transmis
- L’entretien et la consommation électrique sont également à votre charge
🏠 Cas particuliers
✅ Si vous êtes locataire :
- Vous devez informer votre propriétaire bailleur, qui transmettra au syndic
- Le bailleur ne peut s’y opposer sauf motifs sérieux
- À la fin du bail, l’installation peut rester ou être démontée selon accord
✅ Si vous êtes dans un parking extérieur ou sans place dédiée :
- Le droit à la prise s’applique uniquement aux parkings clos et couverts avec place privative
- Sinon, vous pouvez proposer un projet collectif à l’AG des copropriétaires
🧩 Conseils pratiques
- Faites appel à un installateur IRVE certifié
- Vérifiez que votre place de parking est bien privative
- Envisagez une solution mutualisée si plusieurs copropriétaires sont intéressés (possibilité de subventions)
- Certaines aides financières existent via l’ADEME ou les programmes CEE
Le droit à la prise collectif, initié par le syndic
Il existe une autre voie, collective, qui est souvent plus cohérente à long terme : elle repose sur un projet commun d’équipement de l’immeuble avec l’accord de la copropriété, souvent en lien avec un Gestionnaire de Réseau de Distribution (GRD), comme Enedis.
⚡️ Le droit à la prise dans un cadre collectif (copropriété)
🔹 Objectif :
Mettre en place une infrastructure collective permettant à plusieurs résidents d’accéder à une borne de recharge maintenant ou plus tard, via un pré-équipement ou une infrastructure complète.
🏗️ Étapes de la procédure collective
1. Réalisation d’une étude technique (diagnostic)
Avant toute décision, la copropriété peut demander une étude de faisabilité, souvent gratuite, par un prestataire ou directement via Enedis, via son programme « Solution Individuelle sur Infrastructure Collective » (SIIC) ou, par exemple, via la solution « RESEAU ELECTRIQUE AUTO » D’ENEDIS avec zéro € pour le syndic.
Ce diagnostic évalue :
- La capacité électrique de l’immeuble
- Les solutions possibles (pré-câblage, infrastructure complète, etc.)
- Le coût et les modalités de raccordement
- La compatibilité avec les compteurs individuels ou collectifs
2. Inscription à l’ordre du jour de l’AG
Le syndic doit inscrire le projet d’installation à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale (AG), sur demande du conseil syndical ou d’un copropriétaire.
Doivent être présentés :
- Le devis du gestionnaire (ex : Enedis)
- Le plan de financement (avec ou sans subvention)
- Les modalités de gestion (accès, maintenance, consommation individuelle…)
3. Vote en AG
Si le projet est initié par le syndic, celui-ci doit être voté à la majorité absolue (article 25 de la loi du 10 juillet 1965). Cela concerne :
- L’installation d’une infrastructure collective (cheminement de câbles, armoire électrique…)
- L’autorisation de conclure un contrat avec Enedis ou un autre opérateur
⚠️ Si la majorité n’est pas atteinte, un second vote à la majorité simple (article 24) peut avoir lieu immédiatement si les conditions sont réunies.
⚙️ 4. Rôle d’Enedis dans le cadre collectif
Si le projet est retenu, Enedis peut :
- Installer un point de livraison spécifique (coffret technique) pour les bornes
- Mettre en place un pré-équipement ou une infrastructure complète
- Assurer la gestion technique du raccordement (selon les cas)
L’infrastructure Enedis permet ensuite à chaque résident de :
- Se raccorder individuellement à l’installation commune
- Faire poser une borne privée avec son propre contrat d’électricité
- Ne payer que ce qu’il consomme
💶 Financement & aides
Des aides financières peuvent être mobilisées dans le cadre d’un projet collectif :
- Programme ADVENIR (aide jusqu’à 50 % du coût du pré-équipement)
- Subventions locales (communes, régions)
- Certificats d’Économie d’Énergie (CEE)
- Aides Enedis sur certains projets pilotes
✅ Avantages du cadre collectif
- Évolutif 🔌 : prépare l’immeuble à plusieurs installations futures
- Économique 💰 : mutualisation des coûts d’infrastructure
- Valorisation 📈 : améliore l’attractivité de l’immeuble (critère pour revente)
- Contrôle 📡 : gestion centralisée de l’installation (sécurité, conformité)
⚠️ À noter :
- En cas de projet collectif engagé, le syndic peut s’opposer à une demande individuelle de « droit à la prise », si le projet est déjà voté ou en cours de mise en œuvre.
- Enedis n’est pas le seul acteur possible : d’autres opérateurs comme ZePlug, Bump, TotalEnergies ou Freshmile proposent aussi des solutions clé en main pour les copropriétés, mais souvent en modèle locatif ou avec contrat de gestion.
Le droit à la prise collectif, initié par un ou plusieurs copropriétaires
Le mot collectif peut désigner deux réalités très différentes dans le contexte du droit à la prise.
✅ Une AG peut-elle s’opposer au droit à la prise ?
Non, l’assemblée générale (AG) ne peut pas s’opposer à un projet d’installation d’une infrastructure collective lorsqu’il est initié dans le cadre du droit à la prise par un ou plusieurs copropriétaires.
👉 Ce projet est protégé par la loi, comme le droit à la prise individuel.
⚠️ En réalité, tout dépend de qui a initié le projet, car il existe deux types de projets collectifs :
- ✅ Si le projet collectif est initié par un ou plusieurs copropriétaires, alors le droit à la prise s’applique et l’AG ne peut pas s’y opposer (sauf cas de motif légitime)
- ❌ Si le projet collectif est initié par la copropriété elle-même (par exemple : bornes pour tout le monde à frais commus), alors le vote en AG est requis.
✳️ Le projet collectif dans le cadre du droit à la prise
C’est un projet collectif dans sa structure technique, mais individuel dans sa démarche :
- Un ou plusieurs copropriétaires demandent l’installation d’une infrastructure partagée (ex. : colonne électrique Enedis)
- Cette infrastructure est posée à leurs frais
- Elle est destinée à permettre des installations individuelles ultérieures
- C’est une demande de droit à la prise, donc la copropriété ne peut pas la refuser par vote
🔎 Il est donc faux de penser que « tout projet collectif doit être voté en AG » : si c’est un droit à la prise collectif, l’AG n’a pas à voter et n’a pas le droit de refuser sans motif légitime (ex. impossibilité technique).
⚖️ Que disait la loi ?
« Cette faculté s’applique également à l’installation d’une infrastructure collective de recharge, à l’usage d’un ou plusieurs utilisateurs, à leurs frais, dans les mêmes conditions que pour l’installation d’un point de recharge individuel. »
Cela veut dire :
- Les mêmes règles s’appliquent qu’à une borne individuelle
- Il s’agit d’un droit opposable (ce n’est pas soumis à autorisation)
🛡️ Conclusion
❓ « L’AG peut-elle s’opposer à un projet collectif initié par un copropriétaire dans le cadre du droit à la prise ? »
👉 NON, sauf motif légitime et sérieux, et dans un délai de 6 mois après notification.
- Il n’y a pas de vote à organiser
- Le syndic doit être informé, mais pas consulté
- Le projet ne concerne pas les finances de la copropriété, donc ne relève pas d’un vote en AG
- Si la copropriété s’y oppose sans motif valable : le demandeur peut saisir le tribunal judiciaire, qui lui donnera généralement raison
Références législatives
Les obligations de l’ancien article Article L111‑3‑4 du Code de la construction et de l’habitation (avéré abrogé) ont été réorganisées et remplacées dans la législation par les articles L113‑12 et L113‑13 (et par des décrets règlementaires) afin de tenir compte du nouveau contexte.
Textes remplacés / nouveaux
a) Article L113‑11 CCH
« Pour l’application des articles L. 113‑12 à L. 113‑15, le pré‑équipement d’un emplacement de stationnement consiste en la mise en place des conduits pour le passage des câbles électriques et des dispositifs d’alimentation et de sécurité nécessaires à l’installation ultérieure de points de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables. Un décret en Conseil d’Etat fixe les caractéristiques minimales des dispositifs d’alimentation et de sécurité des installations de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables. »
→ Cet article explicite ce que vise la notion de « pré‑équipement ».
b) Article L113‑12 CCH
Entré en vigueur le 1er juillet 2021.
Texte :
I. Dans les parcs de stationnement comportant plus de dix emplacements, situés dans des bâtiments non résidentiels neufs ou jouxtant de tels bâtiments :
1° Au moins un emplacement sur cinq est pré‑équipé et 2 % de ces emplacements, avec au minimum un emplacement, sont dimensionnés pour être accessibles aux personnes à mobilité réduite ;
2° Et au moins un emplacement, dont le dimensionnement permet l’accès aux personnes à mobilité réduite, est équipé pour la recharge des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Dans les parcs de stationnement comportant plus de deux cents emplacements de stationnement, au moins deux emplacements sont équipés, dont l’un est réservé aux personnes à mobilité réduite.
(Et les dispositions s’appliquent de façon similaire aux parcs dans des bâtiments non résidentiels en rénovation importante ou jouxtant tels bâtiments.)
II. Dans les parcs de stationnement comportant plus de dix emplacements, situés dans des bâtiments résidentiels neufs ou jouxtant de tels bâtiments, la totalité des emplacements sont pré‑équipés. Leur équipement pour la recharge des véhicules électriques et hybrides rechargeables permet un décompte individualisé des consommations d’électricité. (Et idem pour les parcs en rénovation importante.)
III. Dans les parcs de stationnement situés dans des bâtiments à usage mixte, résidentiel et non résidentiel, neufs ou en rénovation importante ou jouxtant de tels bâtiments :
1° Les dispositions des I ou II sont applicables, pour les parcs comportant de 11 à 20 emplacements, selon que l’usage majoritaire est non‑résidentiel ou résidentiel ;
2° Les dispositions des mêmes I et II s’appliquent aux parcs de plus de vingt emplacements au prorata du nombre d’emplacements réservés à un usage non‑résidentiel ou résidentiel.
IV. Pour l’application des dispositions des I à III :
1° Une rénovation est qualifiée d’importante lorsque son montant représente au moins un quart de la valeur du bâtiment hors coût du terrain ;
2° Le parc de stationnement jouxte un bâtiment s’il est situé sur la même unité foncière que celui‑ci et a avec lui une relation fonctionnelle.
c) Article L113‑13 CCH
Entré en vigueur le 1er juillet 2021.
Texte :
« Les bâtiments non résidentiels comportant un parc de stationnement de plus de vingt emplacements disposent, au 1er janvier 2025, d’au moins un point de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables situé sur un emplacement dont le dimensionnement permet l’accès aux personnes à mobilité réduite. Ces bâtiments disposent d’un point de charge par tranche de vingt emplacements supplémentaires, sauf si des travaux importants d’adaptation du réseau électrique sont nécessaires pour remplir cette obligation. Les travaux d’adaptation sont considérés comme importants si le montant des travaux nécessaires sur la partie située en amont du tableau général basse tension desservant les points de charge, y compris sur ce tableau, excède le coût total des travaux et équipements réalisés en aval de ce tableau en vue de l’installation des points de charge. Dans ce cas, le nombre de points de charge est limité de telle sorte que les travaux en amont … n’excèdent pas le coût total des travaux situés en aval. Il en est de même pour les bâtiments à usage mixte dont plus de vingt places de stationnement sont destinées à un usage non résidentiel. »
d) Article L113‑14 CCH
Entré en vigueur le 1er juillet 2021.
Texte :
« Les articles L. 113‑12 et L. 113‑13 ne sont pas applicables :
1° Lorsque, dans les cas de rénovation importante, le coût des installations de recharge et de raccordement représente plus de 7 % du coût total de cette rénovation ;
2° Aux parcs de stationnement dépendant de bâtiments possédés et occupés par des petites et moyennes entreprises telles que définies par la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003. »→ Cet article prévoit donc des exonérations ou des cas de non‑application des articles L113‑12 / L113‑13.
